Bonjour à toi petit Dragounet!
Aujourd’hui je te propose de découvrir l’interview que j’ai faite de Bernard Afflatet au sujet du roman qu’il a écrit avec Sara Greem: Hémisphère.
Ils sont tous les deux édités chez les Éditions du 38 et ont décidé de mettre en commun leur talent et leur créativité dans un roman.
Voici la retranscription de l’entretien que nous avons eu à ce sujet sur Skype:
Comment l’idée d’un roman à quatre mains t’est-elle venue?
C’est venu à Ménétrol, au salon du livre les Aventuriales en 2018. A l’occasion de ce salon j’ai rencontré Sara Greem pour la première fois. Elle est dans le monde de la fantasy, de la magie, moi je suis dans le monde de la SF et du fantastique. J’ai lancé l’idée comme une vanne: Ce serait marrant de faire un bouquin à deux, chacun un chapitre, chacun son style, chacun son univers. L’idée c’était d’arriver à conjuguer une histoire qui mélange deux univers, deux styles différents. Elle a trouvé ça super. Et puis le temps est passé, j’ai réfléchi et je me suis dit : “ça va être juste une grosse galère”, donc j’ai laissé tomber l’idée. Un an plus tard, on s’est revu à Ménétrol et Sara m’a dit “Non, non, on le fait c’est une idée géniale, il faut qu’on le fasse!”. Bon, ok. Mais entre temps, j’avais pondu un roman, Pacemaker, qui était l’idée que j’avais imaginé pour ce projet. Quand je lui ai dit elle m’a répondu qu’on allait faire une autre histoire.
Donc on s’est vu sur skype et on a commencé à imaginer ce qu’on pourrait écrire. J’avais déjà une idée en tête, elle aussi, on les a mélangées.
De quoi parle Hémisphère?
Il y a deux mondes différents, très différents, même carrément opposés. On est dans deux, trois millénaires, l’Europe s’est confinée sous une bulle. C’est carrément d’actualité, on ne l’a pas fait exprès… Toutes les frontières géographiques ont été emmurées sous un dôme protecteur parce qu’il y a eu un virus. ça parait dingue, mais je te jure qu’on ne l’a pas fait exprès. Ce virus a été une hécatombe à l’extérieur et donc la plupart des gens sont morts. Mais sont restés quelques petits berceaux d’humanité à droite à gauche qui sont retournés grosso modo à l’âge du fer.
Sous le dôme on a une hyper technologie avec des gens qui sont assistés à 100% qui ne font absolument plus rien à part du loisir. Leur vie c’est de trouver comment s’occuper parce que les robots font tout pour eux.
Et à l’extérieur c’est: qu’est-ce qu’on mange? C’est la situation carrément inverse: il faut survivre avec tout ce que ça implique de croyances différentes, des vieux mythes qui ressortent d’on ne sait trop où, notamment la mythologie égyptienne qui refait surface.
Je ne peux pas en dire beaucoup plus. L’idée c’était de faire un chapitre chacun. Donc j’ai démarré pour qu’il y ait une trame parce que quand chacun fait un chapitre, ça devient vite compliqué si tu attends l’autre, parce que toi tu finis ton chapitre mais tu as l’idée de ton chapitre suivant, et si l’autre pond quelque chose entre temps qui remet en cause ton chapitre suivant, ça devient ingérable.
Comme j’avais plus de temps que Sara qui était en formation à ce moment-là, j’ai avancé en premier. J’ai beaucoup avancé sur mes chapitres, comme ça elle avait une trame, elle savait où il ne fallait pas aller et où il valait mieux aller. Si non ça modifiait tous mes chapitres.
C’est sur les deux derniers chapitres si je ne dis pas de bêtises, que les deux mondes se rejoignent.
Est-ce que c’est un one-shot, ou peut-on s’attendre à une suite?
A priori non. On verra, au-delà de 100 000 exemplaires, y’aura une suite (rire).
Qu’est-ce qui va surprendre le lecteur dans ce roman?
C’est assez particulier… Déjà l’actualité, ça va faire bizarrement référence à ce que l’on vit. Même si ce n’est pas directement, on peut s’imaginer que cette situation pourrait arriver, je me le suis souvent imaginé.
Et puis on va toucher deux lectorats. Les lecteurs de Sara sont plutôt fantasy-magie, et mes lecteurs qui sont plutôt SF-fantastique. Donc chaque lecteur va peut-être être surpris par un univers différent qu’il ne connaît pas. Puisqu’entre chaque chapitre de ce qu’il aime, il va trouver quelque chose qu’il n’aime pas forcément, mais qui va le surprendre agréablement.
Vous êtes-vous fixé des contraintes?
C’est plutôt moi, je le reconnais, qui ai imposé les contraintes à la base. Comme j’étais en avance sur l’écriture, j’ai fini ma partie assez longtemps avant Sara. Sa contrainte c’était de se baser sur mes chapitres. Elle pouvait créer tout un tas de trucs, mais surtout pas des choses qui venaient à l’encontre de ce que j’avais fait. Il y en a eu. Il y a eu deux trois éléments que je lisais qui me faisaient me dire “Ah merde, ça vient changer des choses que j’ai écrites”. Mais il n’y en a pas eu beaucoup parce qu’on a essayé de limiter ça.
Après dans les chapitres en fin de livre où on se rejoint, on va mélanger les deux mondes dans le même chapitre. Donc là ça devient encore plus complexe!
On a l’habitude de dire que l’écrivain est solitaire, quelles habitudes as-tu dû abandonner ou prendre pour écrire ce livre à deux?
Se voir régulièrement. On se faisait des skype pour partager nos idées. Sara habite en Suisse donc on ne pouvait pas se voir “en vrai”, et puis skype c’est tellement pratique pour dire “voilà les nouveaux éléments que je veux mettre en place, qu’est-ce que tu en penses?”. C’était surtout ça qui a été différent. Quand on écrit seul, on sait où on va. Là, on sait à peu près où on va. Mais selon ce que l’autre va “imposer” y’a tout un tas de trucs qui peuvent changer. Je pense qu’elle comme moi, on a modifié des éléments en cours de route parce qu’il y avait des bonnes idées des deux côtés et qu’automatiquement on disait “oui, ce serait peut-être mieux comme ça”.
Comme tu étais en avance, est-ce que c’est toi qui a imposé le plan de l’histoire en écrivant tes chapitres, ou était-il déjà prêt avant que tu commences?
On n’avait pas préparé une trame millimétrée, mais on en avait préparé une. La seule chose que j’ai pu imposer parce que j’étais en avance, ce sont les détails. Mais si elle avait été en avance, ça aurait été elle qui les aurait imposés. La quantité de détails qu’il y a dans un bouquin, c’est juste hallucinant. Si tes robots sont blancs avec des traits bleus et qu’elle a envie de les faire rouges avec des traits noirs, ça ne passe pas. Tu es obligé de lire vraiment attentivement ce que l’autre a écrit pour pas faire de boulette, pour pas contredire l’autre. C’est vraiment pas simple. Pour reprendre la question précédente, soi-même quand on écrit, on connaît sa propre histoire, on connaît ses propres personnages, donc d’un chapitre sur l’autre on a pas de difficultés avec ça. Quand on reprend à la suite du chapitre de quelqu’un, on est obligé de tenir compte de son univers. Et donc de changer le sien en conséquence. C’est vraiment pas simple d’écrire à deux.
Mais c’est plus simple, enfin je trouve, d’écrire comme ça, parce qu’on en a discuté, on a dit qu’est-ce qu’on fait, on fait un chapitre chacun ou on fait tous les chapitre ensemble? Pour moi ça aurait été beaucoup plus compliqué de faire tous les chapitres ensemble.
Avez-vous rencontré des difficultés inattendues?
La communication. C’est pas évident quand tu envoies ton chapitre sous word et que tu as tes bulles de correction. Mais il te faut expliquer en détail, donc ce n’est plus une bulle, c’est une page. Il faut que tu sois sûr que l’autre a compris ce que tu voulais dire. Donc on communiquait à plusieurs niveaux, sur word, sur le document, comme chacun corrigeait le chapitre de l’autre avant d’écrire le sien, il fallait être sûr qu’on se comprenne bien. “Attention, pour ce détail je vais changer un truc, penses-y”. Et on parlait aussi sur facebook en message privé. Donc automatiquement on rajoutait des trucs. Donc la complexité de la communication, même si on s’y attendait un peu, c’est une difficulté. Toute la communication sur les remarques, les changements, les commentaires, c’était assez lourd. C’est plus facile quand tu as l’autre à côté de toi.
Pour quand la sortie est-elle prévue?
Elle était prévue pour le salon de L’Imagina’Livres les 2 et 3 mai, et puis il y a le confinement qui a compliqué pas mal de trucs, et notre éditrice a préféré reporter la sortie pour prendre plus le temps. Parce que même pour elle, c’est pas évident, elle corrige deux personnalités différentes, deux façons d’écrire différentes. C’est inédit, même pour elle. Elle s’est dit c’est quand même plus long que d’habitude, on va faire ça bien. Outre le fait que ce soit un nouveau roman, c’est aussi une nouvelle façon d’écrire. Donc on va essayer de le fignoler un peu plus qu’un autre roman parce qu’il y a cette difficulté supplémentaire, qui est aussi une attraction supplémentaire. Donc ça serait pour fin juin, début juillet.
Comment votre éditrice a accueilli la nouvelle quand vous lui avait dit “on va faire un roman à quatre main”?
ça l’a fait marrer et ça l’a enthousiasmé. Elle a trouvé l’idée assez géniale. Elle s’est dit pourquoi pas! Elle a vu tout de suite la complexité du truc, elle nous a dit “vous allez bien rigoler”. Mais elle l’a très bien pris et je pense qu’elle apprécie le travail qu’on a fait.
J’ai hâte de le lire! Quand j’ai vu passer l’annonce sur ton facebook, je me suis dit “Quoi? Bernard et Sara on écrit un livre ensemble? Mais c’est super!”
Même nous on est assez fiers! Fiers d’avoir réussi, parce que quand tu te lances comme ça, que tu dis ça pour déconner, ça va, c’est facile. Mais quand tu commences à y réfléchir vraiment, tu te dis “attends, comment on va faire?”. Et finalement, ça s’est plutôt bien passé, je trouve qu’on a vraiment bien géré le truc. Je pense qu’on l’a bien géré parce qu’on a décidé dès le départ de faire un chapitre chacun sans toucher à l’univers de l’autre. Sara me laisse faire ma science-fiction, et je la laisse faire sa fantasy. Il ne fallait surtout pas dire “Tu aurais peut-être dû mettre ça”. Chacun connaît son univers, et chacun sait comment son lecteur aborde les histoires en général, donc il sait ce qu’il faut mettre. Dans la SF on est plus descriptif extérieur, dans la fantasy on est plus descriptif psychologie. Ce sont des façons différentes d’écrire les chapitres. Et sur ça, on s’est dit qu’on n’allait pas intervenir. Il fallait laisser faire ce que l’autre sait faire.
C’était un challenge à la base. On s’est dit “on verra bien”. Et puis petit à petit ça avançait et un jour on est arrivé à la moitié du bouquin. Et puis mine de rien, ça avance vite, ça avance deux fois plus vite que quand tu écris seul.
J’ai trouvé ça enrichissant, c’était vraiment bien de faire ce roman.
J’espère que cette interview te donne autant envie qu’à moi de découvrir ce roman! Tu le retrouveras par ici.
La bibliographie de Bernard Afflatet et disponible par là et celle de Sara Greem par ici. Je t’invite aussi à faire un tour sur le compte instagram de Step qui a réalisé la couverture du roman.
Camille